Les jeunes sauveteurs

En 1909, aux Quatre-Pompes, dans la rade de Brest, un écolier est en passe de se noyer. Heureusement, deux jeunes sauveteurs, de dix et treize ans, sont là et sans aucune hésitation plongent pour aller le récupérer.

Qui sont ces jeunes sauveteurs et camarades de l’enfant noyé ?

Les plus âgés des deux se prénomme Pierre CONSEIL.

Pierre voit le jour le 27 juillet 1896 à Saint-Pierre Quilbignon. Il est le fils de Pierre, vingt-neuf ans, journalier au port de Brest et de Marie-Jeanne KEREBEL, vingt-huit ans. Il est le troisième enfant de la famille qui en compte quatre.

Le plus jeune se prénomme Joseph François BOTHOREL.

Joseph vient au monde le 10 décembre 1899, à Saint-Pierre Quilbignon également. Il est le fils de Jean-Marie, sabotier de trente-et-un ans, et de Marie-Renée SIMON, vingt-neuf ans. Il est l’aîné d’une fratrie de cinq enfants.

Pierre, Joseph et leur camarade sont tous trois élèves au collège des Quatre-Moulins, à Saint-Pierre Quilbignon, l’un des quartiers de Brest. Cette école prépare les jeunes garçons à la vie militaire depuis la fin des années 1890.

Pour leur courage, Pierre et Joseph reçoivent la médaille de sauvetage, mais pas seulement.

Le dimanche 29 mai 1910, la société de tir, La Démocrate, et le collège des Quatre-Moulins, organisent le Grand concours fédéral des sociétés de tir du Finistère. La société de tir et le collège sont dirigé par Mr. CARRÉ.

Le tir fait partie de l’enseignement à l’école. Lors d’un toast réalisé au moment du banquet, le maire de Saint-Pierre Quilbignon, Jean-Marie Gélébart dit ceci :

« La société de tir et d’instruction militaire la Démocrate rend de véritables services à nos jeunes gens en leur procurant des distractions saines et abondantes. Elle leur facilite leur entrée au régiment et rend moins ardue la tâche des hommes chargés de l’instruction militaire des recrues. »

À la fin du banquet, le Préfet, Joseph Marie Giraud, offre un jour de congé à tous les écoliers et toutes les écolières de la commune. Il espère que cette journée encourage les enfants à s’inscrire à la Démocrate.

Une quête est ensuite organisée au profit des familles finistériennes des victimes du Pluviôse¹.

La somme récoltée, 75 Fr. , est remise au Préfet par Pierre et Joseph. Les jeunes garçons, désormais âgés de onze et quatorze ans, abordent fièrement leur médaille reçue l’année précédente pour le sauvetage de leur camarade.

Ils sont tous deux félicités par Mr. Giraud. Il leur offre également 10 francs chacun, placés en leur nom à la Caisse d’épargne.

Une dizaine de jours plus tard, Pierre et Joseph tiennent à remercier le Préfet. Pour ce faire, ils lui écrivent une lettre.

« Monsieur le Préfet,
Le dimanche 29 Mai vous avez fait grand honneur à la société de tir de l’école des 4 moulins, en venant présider le banquet offert aux délégués du département et à ses membres honoraires.
Nous vous avons été présentés monsieur le Préfet, par notre bon maître, comme ayant sauvé l’année dernière un de nos camarades qui se noyait en rade de Brest, et, en témoignage de votre satisfaction, vous avez remis à chacun de nous dix francs pour être placés en notre nom à la caisse d’épargne.
Nous vous en sommes profondément reconnaissants, Mr le Préfet. »

Après les remerciements, Pierre et Joseph terminent la lettre ainsi :

« Cet acte de dévouement que nous avons commis est tout naturel pour les enfants de la côte et les petits Bretons et si l’occasion se présentait, nous n’hésiterions pas un instant à recommencer.
Permettez-nous d’être, monsieur le Préfet, avec le plus profond respect, vos dévoués et fidèles serviteurs. »

Le 7 août 1912, alors qu’il vient tout juste de fêter ses seize ans, Pierre s’engage volontairement dans la marine. Il y gravit les échelons :

• Apprentis marins à son arrivée le 7 août
• Matelot 3e classe le 1er avril 1914
• Matelot de 2e classe canonnier le 1er août suivant

Ce jour-là, la mobilisation générale est ordonnée. Pierre est tout naturellement mobilisé en tant que marin.

Au bout de quatre années, le 1er août 1918, il devient matelot de 1ère classe canonnier. L’année suivante, le 1er juillet, il est promu Quartier-Maître.
Le 16 août 1919, il est envoyé en congé de démobilisation. Il rentre chez lui à Saint-Pierre Quilbignon.

Le 10 décembre 1921, Pierre épouse Victorine Laurent RENAUT.

Le 30 décembre suivant, Pierre s’engage de nouveau pour trois ans dans la marine. Il continue ainsi jusqu’à sa dernière inscription en 1939.

Avec Victorine, ils ont un fils, Robert Jean, né en 1923

Victorine s’éteint à l’hôpital de Morlaix le 2 mars 1971.
Pierre le survit quelques années avant de mourir à son tour. Il décède le 14 mai 1985, à l’hôpital des armées, à Brest.

Joseph, malheureusement, n’aura quant à lui pas l’occasion d’avoir une carrière aussi remplie.
Le jeune garçon meurt le 1ᵉʳ novembre 1917. Il n’a pas encore dix-huit ans.

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L’histoire de ces jeunes sauveteurs est arrivée par hasard entre mes mains alors que j’effectuais une recherche en série M aux Archives Départementales du Finistère.

Bien que je ne sache pas grand-chose à leur sujet et les conditions dans lesquelles ils ont sauvé leur camarade en 1909, je souhaitais parler d’eux.

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1. Pluviôse : Sous-marin coulé le 26 mai 1910 au large de Calais. En exercice au large de la ville, il est percuté par le paquebot Pas-de-Calais lors de sa remontée. Parmi les vingt-sept victimes, cinq sont finistériennes.
   Pour en savoir plus sur la catastrophe : Ville de Calais ↩︎

Article écrit dans le cadre des ateliers blog de CLG Formation-Recherches.