Mort pour la France, voilà une mention que l’on retrouve généralement lorsqu’un soldat est mort au combat. Cette mention apparait en marge de l’acte de décès ou dans l’acte lui-même lorsqu’un jugement a lieu.

Un jugement de décès est émis dans le cas où le corps n’a pas pu être retrouvé ou identifié lors d’un accident, d’une bataille ou de tout autre évènement.

Pour cet article, j’ai choisi de raconter l’histoire de François-Marie CONSEIL, landivisien, Mort pour la France en 1916.

Son enfance

François-Marie vient au monde le 30 mars 1877, à Landivisiau. Il est le fils de Guillaume CONSEIL, cultivateur de quarante-neuf ans et de Françoise BRETON, quarante-deux ans.

François-Marie est le huitième enfant de la famille. Sur ses sept frère et sœurs aînés, il n’en connaîtra que deux.

Les cinq autres sont morts en bas-âge ou durant l’enfance :

  • Marie-Françoise : 24 décembre 1856 – 28 février 1857
  • Jean-François : 11 janvier 1858 – 8 janvier 1860
  • Anne-Yvonne : 18 septembre 1860 – 8 juillet 1867
  • Marie : 11 septembre 1863 – 31 juillet 1867
  • Marie-Françoise : 2 mars 1871 – 16 septembre 1875

À sa naissance, seules Marie-Yvonne (6 avril 1867) et Marie-Perrine (16 septembre 1873) sont en vie.

François-Marie passe son enfance avec ses parents et ses deux sœurs, au Guern, son village natal.
En 1886, Marie-Yvonne se marie et quitte le foyer.

Son service militaire

Le maire de Landivisiau inscrit François-Marie, l’année de ses vingt ans, sur le tableau de recensement militaire. L’année suivante, en 1898, il se rend à la mairie pour le tirage au sort. Il tire le numéro 11, il devra donc partir pour le service.

Le 11 juin 1898, quelques mois avant son départ pour l’armée, son père, Guillaume, décède.

Le 14 novembre suivant, François-Marie incorpore le 130ᵉ Régiment d’Infanterie, à Mayenne, en Mayenne.

François-Marie est un jeune homme mesurant 1,60 m. Il est châtain aux yeux roux, il a un front ordinaire, une bouche et un nez moyens, le menton rond et le visage ovale.
Il a reçu également une instruction primaire.

Signalement de François-Marie CONSEIL- Classe 1897- Brest- 1 R 1197– AD29

Trois mois seulement après son départ, c’est sa mère, Françoise, qui meurt, le 15 février 1899.

Du fait de la mort de ses parents, François-Marie perd sa dispense. Il effectuera donc ses trois ans de service militaire.

François-Marie termine ses trois années de service actif le 22 septembre 1901. Le 1ᵉʳ novembre suivant, il passe dans la disponibilité de l’armée active.

En 1904 et 1907, il effectue deux périodes d’exercices au 19ᵉ Régiment d’Infanterie, à Brest.
Le 1ᵉʳ octobre 1911, il passe dans l’armée territoriale.

En novembre 1913, François-Marie effectue une période d’exercice au 87ᵉ Régiment d’Infanterie Territoriale, à Brest.

La Première Guerre Mondiale

Le 28 juin 1914, Garvilo PRINCIP, un nationaliste serbe, assassine François Ferdinand, l’Archiduc et héritier d’Autriche, et son épouse Sophie CHOTECK.

Le conflit entre l’Autriche et la Serbie s’envenime peu à peu. Par divers jeux d’alliances, il se transforme en guerre mondiale.

Le samedi 1ᵉʳ août 1914, la France lance son ordre de mobilisation générale. Le surlendemain, l’Allemagne lui déclare la guerre. La Première Guerre Mondiale débute.

François-Marie, qui a toujours des obligations militaires, est rappelé sous les drapeaux. Le 2 août 1914, il arrive à Brest, au 87ᵉ RIT.

1914-1916

Les premiers jours de guerre, le 87ᵉ RIT a pour mission de surveiller les côtes. Dans le Finistère, les soldats protègent l’Arsenal de Brest.

Dans la nuit du 22 au 23 août 1914, le régiment reçoit l’ordre de se rendre sur le front.

Ne faisant partie d’aucune formation militaire, le 87e RIT se retrouve divisé en plusieurs bataillons, répartis dans les autres formations militaires au gré des besoins.

Arsenal de Brest- Juin 1910-1 Fi 57- AD29

Le 5 novembre 1915, François-Marie rejoint le 11ᵉ bataillon des chasseurs alpins.
Il passe ainsi l’hiver au repos, dans les Vosges, à Corcieux.

Le 6 janvier 1916, François-Marie est incorporé au 264ᵉ Régiment d’Infanterie. Ce dernier se trouve dans les tranchées entre Tracy-le-Mont et Tracy-le-Val.

Durant les premiers mois de l’année, les hommes du 264ᵉ RI sont en déplacement permanent. Ces déplacements se font toujours à pied.

À partir du 1ᵉʳ mars, les soldats occupent le secteur de Bailly-Saint-Léger. Le 27 avril, après la relève, les soldats partent en repos à Estrées-Saint-Denis

Le 10 mai, le régiment est en place dans la Somme. Après une alternance entre occupation des tranchées et repos, les soldats, dont François-Marie, s’apprêtent à vivre une nouvelle bataille d’une extrême violence.

La bataille de la Somme

Du 25 au 30 juin, l’artillerie française effectue des tirs intenses sur les positions allemandes. Cette préparation de l’artillerie a pour but d’affaiblir l’ennemi en vue d’une grande offensive.

Au matin du 1ᵉʳ juillet 1916, l’attaque générale débute. Malgré la violence des combats, le régiment fait une avancée de 2,5 km dans les lignes allemandes, fait 300 prisonniers et récupère une douzaine de canons.

Dans la nuit du 3 au 4 juillet, il est relevé. Les soldats se placent en seconde ligne à Harbonnières.

À partir du 15 juillet, le 264ᵉ RI est devenu en première ligne, à Estrées-Deniécourt.
Pendant une semaine, des assauts sont lancés contre l’ennemi, en vain.

Cliquez pour agrandir la carte- © IGN

Cette semaine-là, 87 soldats sont morts, 282 sont blessés et 35 sont portés disparus.

François-Marie fait parti de la liste des soldats tués au combat, lors de l’assaut du 19 juillet 1916.

Malgré un décès attesté, François-Marie n’a pas d’acte de décès.

Mort pour la France

Il faut attendre le 26 août 1918 pour que le Tribunal de Morlaix émette un jugement déclaratif de décès.

Ce jugement permet d’attester la mort de François-Marie et fera office d’acte de décès. Il est également déclaré Mort pour la France.

Le Maire transcrit le jugement sur les registres de Landivisiau le 4 octobre suivant.

Le quatre octobre mil neuf cent dix-huit, six heures du soir, Nous Gabriel Pouliquen, maire de Landivisiau, chef-lieu de canton, arrondissement de Morlaix (Finistère), avons transcrit le jugement dont la teneur suit- Jugement : attendu qu’il résulte des réquisitoire, rapports et conclusions qui précédents que le soldat Conseil François-Marie du 264ᵉ d’Infanterie, né à Landivisiau le trente mars 1877 de Guillaume et de Breton Françoise, domicilié en dernier lieu à Landivisiau est décédé le dix-neuf juillet 1916 tué à l’ennemi à Estrées. Attendu que les circonstances et documents de la cause ne permettent pas au Tribunal de doutes de la réalité de ce décès, qu’il y a lieu par suite de déclarer celui-ci constant. Attendu d’autres parts qu’aucun acte de décès n’a été dressé au susnommé ; qu’il convient en conséquence pour que le présent jugement puisse lui en tenir lieu de procéder conformément aux dispositions de l’article 90 du Code civil et de la loi du 3 décembre 1915. Vu les articles 89 et suivant du Code civil et la loi du 3 décembre 1915. Par ces motifs, le Tribunal civil ouï le Ministère public en ses réquisitions, le magistrat commis en son rapport et après en avoir délibéré conformément à la loi déclare constant comme ayant eu lieu le 19 juillet 1916 à Estrées, le décès du soldat Conseil François-Marie du 264ᵉ d’Infanterie, tué à l’ennemi, né à Landivisiau le 30 mars 1877 de Guillaume et de Breton Françoise, domicilié en dernier lieu à Landivisiau. Dit en conséquence que le présent jugement lui tiendra lieu d’acte de décès et comme tel ordonne que le présent jugement sera transcrit sur les registres des décès de l’année courante de la commune de Landivisiau avec la mention « Mort pour la France ». Que mention en sera faite en marge de l’acte le plus rapproché par sa date de celle du 19 juillet sur les registres des décès de la commune de Landivisiau pour l’année 1916 tant sur le double existant à la mairie que sur le double déposé au greffe. Que ce jugement sera écrit et expédié sur papier libre et enregistré gratis. Fait et prononcé en audience publique du Tribunal civil de Mroalix l’an mil neuf cent dix-huit et le vingt-six août par M.M Léon ledoux, juge près le Tribunal civil de Vannes, remplissant par délégation les fonctions de président par suite de la mobilisation de M° Jules Le Clech, titulaire, Emile L’Aloeux, juge au siège, Joseph Le Hitets, juge de paix du canton de Morlaix, délégué aux termes de la loi du 5 août 1914 à compléter le Tribunal en remplacement de M° Miniac, momentanément délégué près le Tribunal Civil de Quimper, Théodore Picard, Procureur de la République et M° Léon Godeau, greffier. Signé Léon Ledoux et Godeau.

Deux ans plus tard, le 31 octobre 1920, François-Marie reçoit à titre posthume la Médaille Militaire.

A toujours été un vaillant soldat faisant constamment preuve de courage et de dévouement.
Tombé glorieusement pour la France le 19 juillet 1916 à Estrées. Croix de guerre avec étoile de bronze.

Son nom figure sur le Monument aux Morts de la ville de Landivisiau.

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