
Guimiliau en 1725
Pour cet article, je décide de me plonger dans ma commune, Guimiliau, en 1725.
Un voyage dans le temps qui m’a réservé quelques surprises.
Guimiliau se situe dans le Finistère Nord, plus précisément dans le pays du Léon, sur l’axe Morlaix-Brest.
Un printemps meurtrier
Alors que je m’attendais à un pic de décès durant l’hiver, c’est finalement au printemps que je l’ai trouvé. Les mois de mars, avril et mai rassemblent à eux seuls 49% des décès de l’année.
Jours après jours, les inhumations s’enchaînent. Parfois, deux, trois, quatre personnes sont enterrées le même jour. Lorsqu’il s’agit d’adultes, le curé indique les noms, prénoms et lieux d’habitations. De temps en temps, il inscrit l’âge.
Les conjoints sont présents, mais que très rarement nommés. Je ne parle même pas des professions.
Et puis il y a les plus jeunes, les enfants, les tout petits. Pourquoi prendre la peine de noter leur prénom et leur âge ? Et mieux encore, quelle importance d’inscrire le nom de la mère ? Je vous le demande !
J’exagère bien sûr, il arrive tout de même que la mère soit mentionnée.
M. le curé aurait pu penser aux futurs généalogistes. Mais il ne faut pas être trop exigeant, ces actes vieux de trois cents ans sont là, et ils regorgent d’informations précieuses.
Un acte d’inhumation m’a fait sourire. L’indélicatesse du curé y est pour quelque chose. Nous sommes le 2 mai 1725 et les morts continuent sans cesse. Deux jeunes hommes et deux enfants sont inhumés ce jour-là.
Ce second jour de mai mil sept cent vingt-cinq ont été inhumés les corps de Claude Berregar, jeune homme de Kerbolot, décédé du jour précédent après avoir reçu le sacrement de pénitence et celui d’Yves Messager de Kervern, aussi jeune homme imbécile et ceux de deux enfants, l’un à Guillaume Pezron et Anne Pichon de Kerhaneroff et l’autre à Gabriel Guiader et défunte Marguerite Breton dudit Kerhaneroff. Les inhumations faites en présence de leurs parents et autres soussignants ainsi signés.
Au total, 136 Guimiliens meurent en cette année 1725, dont 67 entre mars et mai. La mortalité infantile est élevée.
Les mort-nés, les nouveau-nés et les enfants représentent 54 % de ces décès.

Heureusement, il y a aussi quelques petites lueurs de joie durant l’année.
Les célébrations
Je dis petite, car elles ne sont pas nombreuses. En effet, seulement 74 enfants viennent au monde durant l’année, 42 garçons et 32 filles.
Pour toutes ses naissances, il n’y a que 22 prénoms choisis, rien d’anormal pour l’époque.
Fin mai, trois filles voient le jour. Elles sont toutes trois prénommées Françoise et se trouvent toutes à la suite dans le registre. Manque d’inspiration de la part des parents ?
Non, je penche plutôt pour la tradition et la transmission, en particulier pour la première qui porte le prénom de son père, sa mère, son parrain et sa marraine.
Françoise, fille naturelle et légitime de François Le Ménez et Françoise Milio du bourg fut née le vingt-unième mai mil sept cent vingt-cinq et baptisé le même jour par le soussignant recteur, les parrain et marraine ont été François Lanchec, soussignant et Françoise Rioual qui ne sait signer, ainsi signé.
La deuxième, Françoise LE MEN, nait le 23 mai. Elle est la fille de Jean et Marie JOUANE. Ses parrain et marraine sont François POULIQUEN et Françoise JOUANE.
La troisième, Françoise MAZE, nait le même jour. Elle est la fille de François et d’Anne ROUX. Elle a pour parrain Yves GRALL et pour marraine Françoise ROUX.
Au total, le prénom Françoise est donné à quatre reprises. Il succède à Anne (9) et Marie (10).

Chez les garçons, sans grande surprise, l’on retrouve en tête, pour dix enfants chacun, François et Jean, suivis d’Hervé (5).

Toutes ces naissances se répartissent tout au long de l’année, sans concentration particulière. Elles sont toutefois insuffisantes pour compenser les décès.
Pour finir cette partie statistique sur une note plus joyeuse, je note que quinze mariages ont lieu à Guimiliau en 1725 (contre 0 en 2024).
René ANGELIN, un personnage important
Je croise René ANGELIN au détour d’un acte de sépulture, plus précisément, celui de son enfant.
La particularité de l’acte ? Il est complet ! Et oui, complet. Je sais que l’enfant inhumé est un garçon, prénommé Louis, fils de René ANGELIN et de Marie CREN, vivant au bourg.
Et mieux encore, la profession de René y est inscrite. J’apprends donc qu’il est organiste.
René a donc la chance et le privilège de jouer sur l’orgue construit en 1677.
L’instrument est construit en chêne et finement sculpté.
Restauré à la fin des années 80, l’orgue s’est refait une beauté entre 2023 et 2024. Il aura fallu dix mois aux facteurs d’orgues pour le nettoyer. Aujourd’hui, l’instrument parait comme neuf et les tuyaux scintillent dans l’église.
J’imagine René jouant de l’orgue lors des nombreuses cérémonies qui ont lieu dans l’église tout au long de l’année. Et pourquoi pas pour le baptême de sa fille, Anne Jacquette, le 1ᵉʳ septembre 1725 ?
Comme tous les enfants de Guimiliau, Anne reçoit les cérémonies du baptême dans l’église. Ces cérémonies se font dans le baptistère, construit en 1675.
Cet acte de baptême a, lui aussi, une petite particularité. Quelle ne fut pas ma surprise en voyant inscrite l’heure (approximative) de naissance de la fillette.
Anne Jacquette, fille naturelle et légitime de René Angelin et Marie Cren du bourg de Guimiliau a été baptisée par le soussignant prêtre le premier jour de septembre mil sept cent vingt-cinq. Les parrain et marraine ont été Jacques Croguennec qui signe et Anne Cren qui ne sait signer. Ladite fille née du jour précédent du moins, avant minuit. Le prêtre signe aussi, ainsi signé Jacques Croguennec R.O Angelin et G. Le Meur prêtre.
Le curé n’est pas aussi précis d’ordinaire. Preuve que René est l’une des personnes importantes dans la vie de la commune.
Les lieux habités
Et cette commune de Guimiliau, comment se constitue-t-elle ?
En plus du bourg, elle se compose aujourd’hui de quarante-deux lieux-dits. Mais en 1725, il y en avait un peu plus. Ce fut une autre surprise !
Si des Guimiliens lisent cet article, ils ont sûrement tiqué en voyant apparaître le lieu-dit Kerbolot lors du décès de Claude BEREGAR. Non, ce n’est pas une erreur de lecture, ni une faute de frappe.
Il semblerait que Kerbolot, qui fait aujourd’hui partie de la commune de Saint-Sauveur, frontalière de Guimiliau, y était rattachée à l’époque.
Il en va de même pour Kerroc’h Bihan, Goaseuzen, Pen ar Guer, Mescouez et Kéréon.
Au fil du temps, les frontières entre les deux communes ont peu à peu été modifiées.
Autre entorse avec Beg Avel, qui se trouve sur Lampaul-Guimiliau, elle aussi frontalière de Guimiliau.
Pour les autres lieux-dits qui se trouvent dans les actes, aucun changement. Ils appartiennent toujours à Guimiliau.
Dans la carte ci-dessous, figurent en bleu les lieux-dits de la commune, en rose celui de Lampaul-Guimiliau et ceux de Saint-Sauveur. (Cliquez pour agrandir)

Cet article a été pour moi l’occasion de visiter ma commune trois siècles plus tôt, mais j’ai l’impression que c’était hier. Les lieux-dits sont toujours habités, certains noms sont encore portés et l’église, lieu de toutes les cérémonies, est toujours debout !
Article écrit dans le cadre des ateliers blog de CLG Formation-Recherches.
Bravo Noëline pour ce travail d’investigation. On découvre ta commune avec plaisir, dans la mienne c’est pareil, les noms sont toujours les mêmes 300 ans après. Tous ces noms bretons donnent envie de se faire un petit voyage en Bretagne.
Merci Magali 🙂
Historiquement parlant, tu es déjà en Bretagne 😉
Merci Noëline pour cette plongée dans la vie quotidienne parfois mouvementée de nos curés de campagne sous l’Ancien Régime et de leurs ouailles. Bravo pour les graphiques qui illustrent de façon très parlante tes propos.
Merci beaucoup Charles-Emmanuel 🙂
Merci Noëline pour cette belle enquête démographique. As tu trouvé une raison possible à ce pic de mortalité înfantile ? Bien à toi. Régis
Merci Régis 🙂
Non, je n’ai pas trouvé de raison particulière. Pour vérifier si cette mortalité est spécifique à l’année 1725 ou si elle est généralisée, il faudrait que je vérifie sur les années précédentes et suivantes. C’est l’un de mes projets futurs.