Marie-Anne LE MER- Episode 3
Le samedi 1ᵉʳ août 1914, Raymond POINCARE, Président de la République, lance l’ordre de mobilisation générale. Dès le lendemain, une affiche est placardée partout dans le pays. Les hommes capables de combattre sont rappelés sous les drapeaux.
Marie-Anne LE MER voit alors partir les hommes de sa famille, ceux qui lui sont chers à ses yeux.
Août 1914 : les départs pour la Guerre
Le dimanche 2 août 1914, Marie-Anne voit son époux, Yves-Marie JONCOUR, partir pour la guerre. Il rejoint son régiment, le 87ᵉ RIT, en garnison à Brest. Marie-Anne se trouve désormais seule avec ses trois enfants, âgés de deux à neuf ans.
Le lendemain, Marie-Anne a la tristesse de voir partir son petit frère, Pierre-Marie. Âgé de vingt-sept ans, il rejoint le 19ᵉ Régiment d’Infanterie, en garnison au Château d’Estrée à Brest.
Caserne d’Estrée– CPA- Archives Départementales du Finistère
Son frère aîné, Jean-Yvon, souffre d’une hernie inguinale à droite. Il est, dans un premier temps, dans les services auxiliaires et ne part pas immédiatement au front.
La vie au front
Pour en savoir plus sur le parcours d’Yves-Marie JONCOUR, c’est par ici.
Jean-Pierre-Marie LE MER
Durant les trois premiers mois de la guerre, Jean-Pierre LE MER reste au dépôt du 19ᵉ RI. Le dimanche 15 novembre 1914, il est part en renfort sur le front et rejoint son régiment, dans la Somme.
Le 17 décembre 1914, le 19ᵉ RI participe à la bataille d’Ovillers-la-Boisselle. Il garde ensuite ses positions jusqu’au mois de juillet 1915. Une longue période de guerre de mine et de tranchées attend les soldats.
En septembre 1915, le Régiment est en Champagne. Il participe à l’offensive du 25 septembre, puis à de nombreuses batailles, dont celle de Tahure. Le 19ᵉ RI reste en position durant l’hiver 1915-1916.
Jean-Pierre LE MER intègre le 219ᵉ Régiment d’Infanterie, dans le courant de l’année 1916. Sa fiche matricule ne donne pas de date précise. Cependant, il est certain que Pierre-Marie se trouve au 219ᵉ le 1ᵉʳ juillet 1916.
Ce jour-là, la bataille de la Somme commence. Le 219ᵉ RI est en position à Foucaucourt-en-Santerre (entre Amiens et Saint-Quentin). Le journal de marches et opérations du régiment retrace la journée, heure par heure. En voici la première page.
Site Mémoire des hommes– Cote 26 N 718/7
À la fin de cette première journée, 51 soldats sont morts, 211 sont blessés, 9 ont disparu. Jean-Pierre fait partie des blessés. Il est évacué du champ de bataille, et conduit à l’ambulance de Wiencourt-l’Équipée. Il y décède dix jours plus tard, le mardi 11 juillet 1916, à 21 h.
Jean-Marie MESSAGER transcrit, sur les registres de la commune, l’acte de décès de Jean-Pierre Marie LE MER, le mardi 12 septembre 1916.
Source : Archives Départementales du Finistère- Cote 3 E 242/51/12
Expédition- Hôpital d’évacuation de Wiencourt (Ambulance 94)- Acte de décès.
Le onze juillet mil neuf cent seize, à vingt-et-une heures, étant à l’hôpital d’évacuation de Wiencourt-l’Équipée (Somme)
Acte de décès de Le Mer Jean-Pierre, soldat de deuxième classe au deux cent dix-neuvième régiment d’infanterie deuxième compagnie, décoré de la médaille militaire et de la croix de guerre avec palme immatriculé sous le numéro cinq cent cinquante-six, recrutement de Brest, classe mil neuf cent sept. Mort pour la France, décédé à l’hôpital d’évacuation de Wiencourt-l’Équipée (Somme), le onze du mois de juillet à vingt-et-une heures des suites de blessures de guerre, conformément à l’article 77 du Code civil, nous nous sommes transporté auprès de la personne décédée et assuré de la réalité de décès.
Dressé par nous Georges Baudoux, officier d’administrations de 2e classe gestionnaire, officier de l’état civil, sur la déclaration de Garcéas Pierre, trente-et-un ans, soldat de 2e classe, ambulance 4/4 et de Jules Bosh, quarante ans, soldat de 2e classe ambulance 14/7, témoins qui ont signé avec nous après lecture.
Jean-Pierre Marie reçoit à titre posthume la médaille militaire et la croix de guerre. Son corps repose aujourd’hui à la Nécropole Nationale les Buttes à Marcelcave.
Jean-Yvon LE MER
Du service auxiliaire à l’arrivée au front
Atteint d’une hernie inguinale, Jean-Yvon se trouve dans les services auxiliaires lorsque la guerre éclate. Il n’est mobilisé qu’à partir du 20 février 1915 et intègre la 11ᵉ section des COA.
La 11ᵉ section travaille au moulin de Barbin à Nantes entre mars et octobre 1915. Les militaires y fabriquent de la farine afin de fournir l’armée française.
© Fonds de la Grande collecte 14-18, Archives départementales de Loire-Atlantique- 70Fi9
Deux mois plus tard, la commission spéciale le maintient en tant que service auxiliaire. Le 10 juin de cette même année, Jean-Yvon rentre chez lui.
Ce répit ne dure malheureusement pas, car l’armée a besoin d’hommes. Le 15 octobre 1915, Jean-Yvon intègre le 72ᵉ Régiment d’Infanterie. À ce moment-là, le régiment se trouve en Argonne, dans le secteur de Neufour (Meuse).
Le secteur est « relativement » calme. Entre les bombardements, les hommes s’occupent des travaux d’aménagement et de réfections des tranchées. Durant les six mois suivants, la situation reste identique.
Le 10 avril 1916, Jean-Yvon intègre le 19ᵉ RI et le rejoint à Verdun.
Dans l’enfer des combats
Depuis le 28 mars 1916, le régiment y est en place et y reste jusqu’au 24 avril 1916. Il subit des bombardements meurtriers, mais résiste tout de même aux violentes attaques. Après s’être reconstitué, le 19ᵉ passe dans le secteur de Berry-au-Bac. Pendant quatre longs mois, il vit une terrible guerre de mine et de tranchée.
Après une période de repos, les hommes reviennent à Verdun (4 novembre – 22 janvier 1917), puis jusqu’au 20 mars, ils sont à l’instruction dans la région de Meaux. Ils se portent ensuite sur Soisson, puis se fixent durant un mois à Hurtebise.
En septembre, après quatre mois de repos, les soldats occupent le secteur de la Malmaison. Ils participent aux travaux de préparation en vue de l’attaque du Chemin des Dames. Pendant une vingtaine de jours, les hommes vivent sous de violents tirs d’artillerie.
L’hiver 1917-1918 se passe dans la forêt de Pinon. Le secteur est relativement calme.
Le 23 mars 1918, le 19ᵉ RI se lance dans la bataille de Nesle. Il faut à tout prix arrêter l’avance allemande. Les combats ont lieu jours et nuits, jusqu’à la victoire du 25 mars.
Présent sur le Chemin des Dames depuis avril, le 19ᵉ subit l’attaque du 27 mai 1918. Dès trois heures trente du matin, l’artillerie allemande fait feu.
Très touché par cette attaque, le 19ᵉ RI passe en Alsace et se reconstitue durant trois mois.
Le 26 septembre, il est de retour à Souain, en Champagne. L’action offensive débute. Du 26 septembre au 7 octobre, le 19ᵉ conquiert plus de quatorze kilomètres. Il reprend entre autres le village de Sommepy.
Le 14 octobre, le Régiment borde l’Aisne, qu’il franchit le 1ᵉʳ novembre. Après quelques combats, la guerre se termine enfin.
Le 11 février 1919, Jean-Yvon est démobilisé et peut rentrer chez lui.
La vie civile
Loin de la guerre et du front, la vie se poursuit. Marie-Anne LE MER élève seule ses trois jeunes enfants (neuf, cinq et deux ans), tout en continuant le travail à la ferme, avec la crainte permanente de recevoir une terrible annonce.
A-t-elle reçu des nouvelles de son époux et de ses frères au début du conflit ? Je l’ignore. S’il y en a eu, les documents ne semblent pas avoir été conservés.
Les deux premières années de guerre se passent sans heurts. Et puis…
Blessé le 1ᵉʳ juillet 1916, lors de la bataille de la Somme, son frère, Jean-Pierre décède des suites de ses blessures le 11 du même mois. En septembre, son décès est transcrit sur les registres de la commune.
Le mois suivant, le 2 octobre, c’est Yves-Marie JONCOUR, son époux, qui meurt sur le front. Le 7 novembre 1916, le Lieutenant POUJOL adresse un courrier au maire de Plounéour-Ménez pour qu’il fasse prévenir la famille. Ce dernier est au front, c’est donc adjoint qui le remplace. C’est à lui que revient la lourde charge d’annoncer le décès à la famille. Mais la lettre n’arrive pas immédiatement.
Le 25 janvier 1917, Marie-Anne est une nouvelle fois marquée par le deuil. Ce jour-là, à vingt-trois heures trente, son père, Guillaume, décède. Il a quatre-vingt-trois ans. Le lendemain matin, à dix heures, Jean-Yvon, en permission, se rend à la mairie et déclare le décès.
En juin de cette même année, la lettre envoyée le 7 novembre dernier arrive enfin. Informé du décès d’Yves-Marie, l’adjoint, vêtu de son écharpe tricolore, se rend à Cos Vern pour prévenir officiellement Marie-Anne de la mort de son mari. Le 26 juin, l’acte est transcrit sur les registres de la commune.
Extrait de la lettre- AD29- Cote 12 U 23/37
En l’espace de six mois, Marie-Anne a perdu son petit frère, son époux et son père.
L’année suivante, la guerre se termine enfin. Marie-Anne voit avec soulagement revenir son frère ainé, Jean-Yvon, en février 1919.
La guerre est finie, oui, mais Marie-Anne va désormais devoir élever seule ses enfants, âgés de treize à six ans. Cependant, elle va pouvoir compter sur l’aide que lui apporte l’État, qui les a adoptés en tant que Pupilles de la Nation.